Tuberculeux, héroïnomane, prison, HP, comas éthyliques répétés mais surtout 5 livres qui firent à chaque fois l'effet d'une batte de base-ball dans "la gueule" d'une Amérique trop propre et convenue. (Last Exit To Brooklyn 1964, La Geôle 1971, Le Démon 1976, Retour à Brooklyn 1978, Chanson de la Neige Silencieuse 1986, Le Saule 1999, Waiting Period 2002).
Né à Brooklyn en 1928, contemporain de la beat génération mais sans filiation directe, Hubert Selby Jr occupe une place particulière dans la littérature américaine. Engagé dans la marine marchande à 15 ans, athlètique, sportif, il sera anéanti par la tuberculose dès sa vingtième année. Après trois ans d'hôpital comme cobaye, il sort inapte à toute activité professionnelle.
Durant cette descente aux enfers, Selby apprend l'essentiel : la haine de soi, des autres et la mort (de ceux qui agonisaient dans les lits d'à côté). Un jour, en un éclair, glacial, il voit ce qu'aura été sa vie : "moins que zéro". Épouvanté, il revient à la vie. Sa décision est prise :
« J'ai choisi d'être un écrivain sérieux. Je dois accepter les conséquences possibles de ce choix, à savoir : manquer d'argent et ne pas être reconnu... »
À 28 ans, lorsqu'il attaque Last Exit to Brooklyn, Hubert Selby est déjà fini. Défoncé à la benzédrine, il s'installe devant sa machine à écrire et esquisse les premières lignes de ce qui deviendra plus tard le roman culte de toute une génération. D'un style "à la mitraillette", il assassine le rêve américain qui n'est déjà plus qu'un cauchemar.
« Georgie a existé, il m'attirait mais je ne savais pas pourquoi. J'ai compris plus tard que c'est parce que je me suis toujours senti aliéné et que lui aussi devait forcément se sentir aliéné. Un an ou deux après, je suis repassé dans le quartier et j'ai appris qu'on l'avait trouvé mort d'une overdose, dans la rue. Il n'avait pas vingt ans. Peut-être parce que je m'identifiais à lui, j'ai été bouleversé. Je me suis dit qu'il fallait que je finisse son histoire, que c'était trop injuste, qu'il avait droit à la vie et à la dignité. » (Hubert Selby Jr. A propos de Last Exit to Brooklyn).
Pour Selby, le mal est plus pur, en ce sens qu'il a une puissance, une force vive et qu'il s'agit d'un mouvement descendant, d'une chute. Quand on tombe, les lois physiques montrent que la vitesse augmente avec la vitesse ; tandis que l'ascension suit un mouvement plus lent, plus laborieux. Faire le mal semble aisé parce qu'il est plus facile de descendre, de se laisser glisser alors que le bien paraît inaccessible car trop haut. Dès son premier livre, la quête, la chute, la rédemption apparaissent comme les thèmes récurrents de toute son œuvre. Extase de la dévastation, viol, torture… Comme jamais auparavant, l’Amérique, ses icônes et ses valeurs sont déchiquetées avec une violence et un talent souvent plagiés mais jamais égalés.
Last Exit to Brooklyn, réalisé en 1989 par Uli Edel et Requiem for a Dream par Darren Aronofsky en 2000 permirent à toute une nouvelle génération de découvrir l’œuvre d’Hubert Selby Jr.
Enfin, il participe en 2004 à l'écriture du scenario de Inside Job réalisé par Nicolas Winding Refn.
Hubert Selby Jr. décède à Los Angeles le 26 avril 2004